Un soupçon d’électromagnétisme pour mieux appréhender les problématiques d’intégrité du signal

Nicolas Patin
|  Créé: Octobre 28, 2020  |  Mise à jour: Octobre 29, 2020
Un soupçon d’électromagnétisme pour mieux appréhender les problématiques d’intégrité du signal

Introduction

S’il y a bien un sujet de préoccupation au moment de la réalisation d’un PCB, c’est l’intégrité des signaux et de l’alimentation des composants. Sur le second point, la mise en œuvre de PDN Analyzer (voir les articles 1 et 2) pour s’assurer de chutes de tensions/densités de courant acceptables ainsi que le respect scrupuleux des recommandations des constructeurs dans le choix et la localisation des condensateurs de découplage (e.g. [XIL 19]) permettent normalement d’atteindre les exigences demandées par les composants.

Pour bien comprendre les contraintes garantissant l’intégrité des signaux, il faut revenir à la physique sous-jacente qu’est l’électromagnétisme. Dans cet article, quelques résultats classiques sont présentés (mais sans réellement entrer dans les calculs) essentiellement dans le cas d’une géométrie simple (câble coaxial) mais néanmoins transposables sur la géométrie plane des circuits imprimés. Les cas concrets et leur mise en œuvre sous Altium Designer feront ensuite l’objet d’articles dédiés.

Eléments d’électromagnétisme

Lorsque l’on regarde un PCB, la première chose que l’on remarque est que l’on a des conducteurs plans posés à la surface un substrat isolant (généralement une résine polymérisée chargée en fibre de verre) et que la plupart du temps, les deux faces de la plaque sont utilisées pour supporter ces conducteurs (pouvant être de grande surface comme les plans de masse). Cette structure évoque toutefois un condensateur. En effet, on dispose de deux armatures séparées par un isolant : une capacité « parasite » est donc présente entre deux conducteurs en vis-à-vis (respectivement des côtés « TOP » et « BOTTOM » du PCB).

Pour calculer une telle capacité, quelques rappels d’électrostatique s’imposent (de même qu’une hypothèse simplificatrice) :

  • La capacité C d’un condensateur est le paramètre liant la charge électrique Q présente sur une armature (l’autre étant chargée à -Q) à la tension U présente entre les armatures. On a en effet Q = C.U
  • Ensuite, on peut lier la tension U (la grandeur scalaire que l’on peut mesurer entre les deux armatures du condensateur) au champ électrique E présent dans l’isolant les séparant (et qui lui, est une grandeur vectorielle, qui n’est pas directement mesurable) : 

  • Pour finir, on peut lier le champ électrique aux charges à l’aide du théorème de Gauss :

Ces équations peuvent aboutir à un résultat simple en géométrie plane uniquement avec condensateur infini (ou tout du moins avec une largeur des armatures nettement plus grande que la distance les séparant). Dans ce cas, les calculs des deux intégrales notées ci-dessus se résument à de simples multiplications pour aboutir à une capacité :

  • ϵ est un paramètre du matériau isolant séparant les armatures,
  • S est la surface des armatures en vis-à-vis,
  • e est l’épaisseur de l’isolant.

Cette formule est valide seulement si les armatures ne sont pas trop allongées et que 

ce qui est la traduction « mathématique » de « avec une largeur d’armatures nettement plus grande que la distance les séparant »). Elle est fausse dans le cas contraire mais elle donne néanmoins des informations sur ce qu’il faut faire ou ne pas faire suivant que l’on souhaite minimiser ou maximiser la capacité entre deux conducteurs :

  • les faire se croiser à 90°, diminuer leur largeur et/ou augmenter l’épaisseur d’isolant si on souhaite minimiser la capacité,
  • les maintenir superposées, maximiser leur largeur et/ou diminuer l’épaisseur d’isolant dans le cas contraire.

Si les calculs s’écartent de la réalité pour l’électrostatique appliquée à un PCB, cela n’est rien par rapport au cas magnétisme (l’autre facette de l’électromagnétisme). Or, cette facette est incontournable dans l’étude de signaux rapides (par définition non électro-statiques !). Et dès lors que les charges électriques se déplacent (un courant), elles donnent naissance à un champ magnétique conformément au théorème d’Ampère

Or, ce champ magnétique (lorsqu’il est variable) interagit avec un circuit électrique en produisant une tension (loi de Faraday) :

permettant d’aboutir à la notion d’inductance L avec l’équation v=L di/dt.

Sans rentrer dans les calculs, même s’ils ne semblent pas plus compliqués à effectuer que pour le champ électrique, la nature du champ magnétique (liée à l’intégrale ∮ sur un contour fermé) implique que celui-ci forme des boucles (lignes de champ fermées sur elles-mêmes) rendant l’étude de circuits à géométrie non cylindrique pratiquement impossible à mener à la main. C’est ici qu’interviennent des outils de calcul numérique (répondant aux mots-clés « 3D Planar Electromagnetic Simulation » dans votre moteur de recherche préféré). 

Pour pouvoir effectuer « facilement » des calculs à la main, il faut se rabattre sur des géométries cylindriques comme celle d’un câble coaxial. Celui-ci a en effet le mérite de permettre de calculer non seulement la capacité linéique Cl (pour un tronçon d’un mètre de câble) mais aussi l’inductance linéique Ll. Et même si cela ne correspond pas à la géométrie d’un PCB, on peut néanmoins en tirer quelques enseignements.

Figure 1. Vue en coupe d’un câble coaxial

Dans ce contexte, le champ électrique est radial et n’existe que dans le diélectrique tandis que le champ magnétique est orthoradial et est présent dans l’ensemble du câble (conducteurs compris) mais s’annule à l’extérieur du blindage si les courants dans le conducteur central et dans le blindage sont strictement opposés (pas de courant de mode commun).

Ses observations et les équations permettent d’exprimer Cl et Ll en fonction du rayon R1 du conducteur central, du rayon intérieur R2 du blindage, de la perméabilité magnétique μ et  permittivité diélectrique ϵ du matériau isolant (cf. figure 1) :

Ces éléments permettent ensuite de proposer un schéma électrique de tronçon dx du câble (cf. figure 2).

Figure 2. Tronçon de ligne de transmission (sans pertes)

On en déduit l’équation de propagation du signal (ici la tension) le long du câble :

Cette équation est de la forme

Où v est la vitesse de propagation de la tension V puisque les solutions de cette équation sont de la forme V(x-vt) et V(x+vt), les signaux pouvant se propager dans les deux sens sur ce câble.

Vitesse de propagation : On identifie donc simplement :

Et avec les expressions de ces deux paramètres obtenues avec le câble coaxial, on aboutit à :

En optique, on lie vitesses de la lumière dans le vide et dans un milieu matériel par un paramètre appelé indice de réfraction n de ce milieu. L’équation ci-dessus nous amène à écrire que 

Impédance caractéristique : Un autre résultat important lié à l’équation de propagation est qu’elle est identique pour le courant et que cela permet d’établir un ratio simple (en chaque point du câble et à chaque instant) entre ces deux grandeurs :

equation impendance

Puissance : Pour finir, l’énergie (et la puissance) sont « portées » par les champs électriques et magnétique (et non pas les tensions et courants) : c’est bien pourquoi on peut effectuer des communications sans fil et chauffer un plat dans un four à micro-ondes…

Pour calculer une puissance, on doit calculer le flux (traversant une surface donnée) d’un vecteur calculé par un produit vectoriel entre les champs E et H, le vecteur de Poynting Π  :

Par conséquent, pour que ce vecteur soit non-nul, il faut que E et H le soit : cela ne se vérifie que dans l’isolant séparant le conducteur central du blindage. La puissance ne transite pas donc dans les conducteurs mais dans l’isolant et si on mène le calcul jusqu’au bout (en calculant le flux de Π dans cette couronne d’isolant – entre R1 et R2), on aboutit au résultat bien connu de la puissance instantanée p(t)=V(t).I(t) dans un plan de coupe donné du câble.

Conclusion

Ce premier article traitant des signaux rapides s’est focalisé sur la théorie afin d’identifier les éléments importants pour la propagation du signal et le résultat le plus surprenant vient du fait que les conducteurs ne jouent d’un rôle de « confinement » des champs électrique et magnétique à l’intérieur d’un volume d’isolant à la manière d’un guide d’onde (cf. figure 3 – où cela semble plus évident car assez éloigné d’un circuit électrique usuel à basse fréquence).

Figure 3. Un exemple de guide d’onde reliant le magnétron et l’enceinte de cuisson d’un four à micro-ondes

Dans l’article suivant et sur la base des concepts théoriques traités ici, nous verrons les outils disponibles sous Altium :

Référence

[XIL 19] 7 Series FPGAs PCB Design Guide, Chapter 2, UG483, Xilinx, May 2019

A propos de l'auteur

A propos de l'auteur

Nicolas Patin a obtenu en 2006 un doctorat en électronique, électrotechnique et automatique de l’école normale supérieure de Cachan. Il est depuis septembre 2007 maître de conférences à l’université de technologie de Compiègne (UTC) où il enseigne l’électronique et plus particulièrement l’électronique de puissance au sein de la formation d’ingénieur au sein d’une filière Mécatronique Actionneurs, Robotisation et Systèmes (MARS). Il mène en parallèle des recherches en électronique de puissance et plus précisément sur les stratégies de modulation appliquées aux convertisseurs statiques et à leur impact sur le vieillissement des condensateurs de découplage (aluminium électrolytiques).

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