1. Introduction
Comme évoqué dans l’article précédent, la simulation permet de quantifier des paramètres difficiles à calculer manuellement comme le taux de distorsion harmonique. Dans le présent article, nous allons analyser le niveau de précision dont de multiples défauts peuvent altérer le résultat final. De fait, nous allons nous intéresser à une source de tension de précision dont une pré-étude est disponible dans une série de vidéos. Elles montrent, sans être exhaustives, les défauts impactant un circuit même simple.
Figure 1. Une référence de tension de 10 V (+/-1ppm)
Le fait est ici que le montage (cf. figure 1) est effectivement très simple dans la mesure où il est constitué d’une source de 5 V (référence Linear Technology/Analog Devices LTC6655) et d’un amplificateur non-inverseur de gain réglable autour d’une valeur nominale de 2. Il est donc clair que l’objectif de ce montage est d’obtenir une tension de 10 V mais on souhaite l’obtenir avec une précision de l’ordre de la partie par million, c’est-à-dire 10 µV.
Comme indiqué sur la figure, la référence LTC6655 n’est précise qu’à +/-0.025 % (soit +/-250 ppm) et l’objectif est donc de compenser cette incertitude avec le réglage du gain de l’amplificateur, d’où la présence du potentiomètre P dans la boucle de rétroaction.
Remarque : Si cette « imprécision » semble importante, il peut être instructif de consulter la documentation d’une autre référence Linear Technology très utilisée dans des appareils de mesure de précision, à savoir le LTZ1000. Cette référence délivre une tension typique de 7.2 V (avec des valeurs minimale et maximale de respectivement 7 et 7.5 V soit une plage d’incertitude allant de -2.778 à +4.167% !!!).
2. Les défauts de l’amplificateur opérationnel
Un modèle d’amplificateur opérationnel ne consiste généralement pas à décrire la structure interne de ce dernier comme ce que l’on peut voir dans les datasheets de certains amplificateurs (comme le vénérable µA741 – cf. figure 2).
Figure 2. Structure interne du µA741 (source : Texas Instruments)
Il s’agit généralement d’une description « comportementale » avec les défauts connus de l’amplificateur (courants d’offset et polarisation, tension d’offset, bruits). C’est précisément ce que l’on peut trouver dans le composant « Op Amp » présent dans la bibliothèque « Miscellaneous Devices » d’Altium Designer. On peut d’ailleurs voir (figure 3) que le Subcircuit associé à ce composant est celui du circuit Analog Devices AD645.
Figure 3. Description de l’amplificateur opérationnel (AD645) associé au symbole Op Amp de la bibliothèque de base d’Altium Designer
Même si ce modèle contient 78 composants (ce qui est assez considérable), on n’y trouve absolument aucun transistor (uniquement quelques diodes !).
Pour l’ajout d’un modèle :
Pour cette dernière option, la tâche peut sembler fastidieuse mais permet de choisir les défauts que l’on souhaite intégrer dans le modèle et donc l’alléger pour ne prendre en compte que les éléments prépondérants. Par exemple, dans le modèle de l’AD645, des pôles et zéros sont pris en compte pour analyser d’éventuels problèmes de stabilité pour certains montage alors que dans notre cas :
On pourra donc se limiter par exemple à la mise en œuvre d’un schéma équivalent tel que présenté à la figure 4 (avec sa description textuelle – pour de plus amples informations sur la syntaxe SPICE, le lecteur pourra se reporter vers un livre relativement ancien [1] mais toujours d’actualité au niveau de la syntaxe bien que potentiellement difficile à se procurer à l’heure actuelle. Sinon, il pourra aussi se reporter sur des ressources en ligne telles que [2] mais aussi [3] pour un exemple simple d’amplificateur opérationnel).
Figure 4. Modèle « imparfait » d’un amplificateur opérationnel OPA734
3. Prise en compte des tolérances sur les résistances
Un autre point important à prendre en compte dans les circuits de précision et dans celui-ci en particulier porte sur les tolérances des composants et plus précisément des résistances. Celles-ci sont prises en compte dans la rubrique « Monte Carlo Analysis » de la commande Simulate > Edit ’Mixed Sim’ Setup.
Figure 5. Configuration des tolérances de composants sous Altium Designer
Il est possible de définir des tolérances spécifiques en fonction des composants (et cela ne se limite pas aux résistances) mais une limitation de ce paramétrage est lié au fait que les tolérances que l’on peut indiquer dans la fenêtre de la figure 6 doivent nécessairement être supérieures ou égales à 1% (ce qui n’est pas vraiment la norme dans les circuits de précision).
Figure 6. Tolérances spécifiques de composants
Pour prendre en compte des tolérances plus fines, il sera nécessaire de scinder en deux les résistances à traiter avec une composante principale associée en série avec une résistance dont la tolérance sera d’au moins 1 % : avec cette solution, on peut atteindre n’importe quel niveau de précision souhaité.
Par contre, cela implique d’avoir des composants parfaits pour modéliser les composantes principales. Cela est parfaitement possible en fixant des tolérances à 0 % dans la page principale de l’analyse de Monte Carlo (figure 5).
Remarque : Le « Tracking No. » permet de mutualiser la même variable aléatoire (entre deux composants) pour leur appliquer des dispersions de valeur. Deux composants avec le même « Tracking No. » seront donc corrélés alors qu’avec des numéros différents, ils ne le seront pas (même si cela ne garantit pas parfaitement l’indépendance au sens mathématique du terme).
Figure 7. Résultats de simulations (Number of Runs = 100 dans le menu de la figure 5)
4. Et le bruit ?
Le bruit est un signal aléatoire qui vient se superposer au signal utile dans un circuit électrique et qui provient d’un mouvement erratique des électrons (observable dans des composants aussi élémentaires que les résistances). Le contenu spectral échappe à une analyse de Fourier classique (de signaux déterministes) mais il s’appuie sur une notion assez proche appelée densité spectrale de puissance ou DSP (en V²/Hz ou A²/Hz, les puissances étant calculées pour une charge R de référence donnée), d’où l’apparition de données aux unités « exotiques » ( ou ) dans les datasheets.
Le caractère fastidieux de l’étude des bruits vient de deux aspects distincts :
Le calcul consiste à traiter une seule source à la fois. Elle peut être considérée comme un signal (de « spectre » ) en entrée d’un filtre de fonction de transfert et produit alors en sortie un nouveau spectre dont l’expression est :
Pour la simulation, il suffit d’aller dans le sous-menu « Noise Analysis » de la commande Edit ‘Mixed Sim’ Setup afin d’évaluer le bruit total en un nœud donné, ici VOUT (cf. figure 8) relativement à une entrée donnée (ici V2), obligatoirement en AC (par ex. Magnitude = 1 et Phase = 0). Et le résultat est présenté à la figure 9.
Figure 8. Configuration d’une simulation “Noise Analysis”
Figure 9. Résultat de la simulation
5. Conclusion
La conception d’un circuit de précision (généralement coûteux) réclame une étude minutieuse avec de nombreuses étapes fastidieuses. L’outil informatique est d’une grande aide pour accélérer ce travail tout en minimisant les risques d’erreur. Or, la possibilité de pouvoir réaliser l’étude théorique et la CAO d’un tel circuit dans un environnement unique tel qu’Altium Designer augmente les chances de succès dès la première itération.
6. Bibliographie
[1] Logiciel de simulation analogique PSPICE 5.30, Alain Rivat, Dunod Tech, 1994.
[2] SPICE ‘Quick’ Reference Sheet, Stanford University, EE133 - Winter 2001.
[3] Quick Intro to Op Amp Models, eCircuit Center.