La recommandation d'utiliser des ferrites pour concevoir un PDN s'accompagne de directives peu claires et de conseils trop généraux. Si vous voyez une note d'application ou une note de conception de référence qui recommande de placer une ferrite dans un PDN, devez-vous appliquer ce conseil dans votre conception ou est-il préférable de l'ignorer et de privilégier l'ajout de capacité? Que se passe-t-il si vous utilisez la ferrite pour isoler deux rails ?
Ce sont les deux questions auxquelles nous allons répondre dans cet article. Les ferrites sont habituellement utilisées dans un PDN pour assurer deux fonctions: soit en tant qu'élément filtrant connecté directement à une broche VDD, soit en tant qu'élément de blocage entre deux rails différents. Si le premier cas d'utilisation est à éviter, le deuxième s'avère prometteur à condition de sélectionner soigneusement la ferrite et de l'utiliser sur le rail approprié. C'est quelque chose que vous pouvez examiner dans une simulation SPICE dans une gamme de fréquences intermédiaires (jusqu'à environ 1 GHz), et c'est ce que j'examinerai dans cet article.
J'ai expliqué à plusieurs reprises, et les autres concepteurs partagent ce point de vue, qu'inclure une ferrite dans un PDN ajoute de l'inductance à des fréquences intermédiaires, ce qui est généralement une mauvaise idée lorsque le PDN doit prendre en charge des composants qui commutent à des vitesses de transmission élevées (environ 1 ns ou moins). De nombreuses données confirment cette affirmation, en particulier lorsque la ferrite est connectée à un rail qui alimente des E/S haut débit. Cependant, même si les notes d'application relatives aux régulateurs de puissance recommandent souvent de recourir aux ferrites, elles sont parfois utilisées hors de ce contexte ou mises en œuvre là où cela n'a aucun sens.
Cela dit, j'ai conçu des cartes sans ajouter de ferrite pour isoler, même lorsque la conception de référence ou une note d'application le recommandaient. Un autre auteur de ce blog partage également ce point de vue. La ferrite n'est donc pas un élément indispensable pour isoler un rail d'un autre, par exemple l'entrée VDD et un rail d'alimentation de boucle à verrouillage de phase (PLL).
Cet article s'intéresse à la simulation SPICE dans le cas où une ferrite comme élément isolant entre deux rails sur un PDN est utilisée. Autrement dit, nous cherchons à simuler l'impédance de transfert entre deux rails sur un PDN. Lisez cet article pour en savoir plus sur l'impédance de transfert avant de poursuivre, ainsi que celui qui détaille la simulation de PDN basique avec plusieurs capacités. Je vais continuer avec le modèle de simulation de PDN de base en ajoutant un rail et en essayant de l'isoler avec une ferrite.
Le modèle de simulation de notre PDN avec ferrite comprend deux rails: un rail d'alimentation pour les E/S et un second rail qui modélise un élément de commutation plus lent comme une PLL. Le rail de la PLL est isolé du rail d'E/S à l'aide d'une perle de ferrite (parfois appelée puce ferrite). Notre simulation vise à évaluer l'efficacité d'une ferrite typique utilisée en tant qu'élément isolant entre ces deux rails.
La banque de condensateurs de découplage compte 36 capacités avec différentes valeurs de fréquence d'auto résonance (SRF), comme indiqué dans l'article sur la simulation de PDN précédent.
La simulation est effectuée avec la ferrite référence BLM18PG121SN1 de Murata. Cette dernière a été modélisée à l'aide d'un circuit RLC parallèle, comme c'est le cas habituellement dans les simulations SPICE qui représentent les ferrites. En utilisant la bande passante, la résistance à la résonance et la fréquence de résonance, la ferrite peut être modélisée avec les valeurs R = 150 Ohms, L = 347 nH et 0,3603 pF. Cette représentation de la ferrite n'est pas parfaite, mais reste la meilleure en l'absence de modèle de simulation précis pour cette pièce.
Pendant la simulation, nous modulerons la valeur R de la ferrite juste pour observer l'impact sur le transfert de bruit entre les deux rails dans le modèle de simulation. Avec le modèle de simulation de condensateur précédent et le modèle pour la ferrite d'isolation sur le rail de la PLL détaillé ci-dessus, nous pouvons effectuer une simulation.
Nous examinerons différents cas pour distinguer les différentes sources de bruit :
Ces deux cas nous permettent de calculer la matrice d'impédance complète du PDN. Puisque nous avons 2 rails, une matrice 2x2 permettra de relier le courant tiré au niveau du port n à la tension mesurée sur le port m:
L'objectif principal défini ci-dessus revient à calculer Z21 dans la matrice d'impédance. Nous allons l'utiliser pour expliquer les résultats observés en simulation. Pour examiner la propagation du bruit dans le rail de la PLL, nous comparerons le signal de la tension du rail de la PLL avec celui de la tension du rail des E/S.
Les résultats initiaux qui comparent la tension sur le rail des E/S avec la tension sur le rail de la PLL sont indiqués ci-dessous. Le rail des E/S commute avec un temps de montée de 1 ns à une fréquence de 1 MHz, tandis que le rail de la PLL ne commute pas.
Les signaux du domaine temporel ci-dessous suggèrent que la ferrite n'a aucun effet sur l'isolation du bruit, quelles que soient la résistance parallèle et l'inductance efficaces de la ferrite. En réalité, l'augmentation de l'inductance de la ferrite d'un facteur 1000 semble n'avoir aucun effet sur l'isolation du bruit.
Bien qu'elle ne saute pas aux yeux, la transition à droite sur le front montant du signal de la tension des E/S est très abrupte. En zoomant, nous pouvons voir que ce front montant n'est pas un artefact, mais qu'il est associé à un pôle haute fréquence de l'impédance du rail des E/S (dans le paramètre Z11).
Nous pouvons à présent observer l'effet de la ferrite : le pôle du paramètre Z11 situé à 631 MHz génère un bruit à haute fréquence sur le rail d'E/S. Le spectre d'impédance de transfert (Z21) présente un pôle identique, mais l'impédance de ce dernier peut être beaucoup plus faible. Cependant, la partie haute fréquence de la réponse transitoire, comme indiqué ci-dessus, subit un amortissement plus important grâce au placement de la ferrite. La valeur R/L standard du modèle ferrite apparaît clairement comme le facteur déterminant de l'amortissement dans la réponse transitoire, comme pour tout autre circuit RLC. Autrement dit, comme nous privilégions une résistance élevée et une inductance faible, l'utilisation d'une ferrite dans un PDN n'est pas recommandée.
En revanche, le bruit à basse fréquence ne semble absolument pas affecté par la ferrite. Le bruit basse fréquence à 2,81 MHz est presque identique sur les deux rails, ce qui laisse supposer que les paramètres Z de ces rails et le spectre Z21 aient les mêmes pôles à 2,81 MHz. C'est en effet ce que nous observons dans les spectres des paramètres Z présentés ci-dessous.
En comparant l'auto-impédance du rail d'E/S (Z11) avec le spectre d'impédance de transfert (Z21), il apparaît clairement que l'avantage est marginal au pôle de 631 MHz et nul au pôle de 2,81 MHz (qui est le pôle principal important). Alors qu'on pourrait penser que la ferrite sur le rail de la PLL explique la réduction du bruit, il s'avère que le condensateur de dérivation y contribue également avec sa valeur de SRF à 1,59 GHz. La combinaison des deux se comporte comme un condensateur ESR contrôlé, ce qui offre un amortissement élevé et un bruit réduit.
Nous pouvons maintenant étudier l'impact de la présence de ferrite sur la commutation du rail de la PLL. Les résultats de l'analyse transitoire ci-dessous montrent clairement que la commutation de la PLL perturbe la tension du rail de la PLL de manière très significative. Les courbes rouges et vertes montrent la tension du rail de la PLL avec et sans ferrite, respectivement. Dès que la PLL s'allume après 5 us (courbe bleue en pointillés), nous voyons que le rail de la PLL avec la ferrite présente des pics de tension très élevés. Ces pics ne sont pas observées sur le même rail PLL lorsque la ferrite est retirée.
Une fois que la ferrite est retirée, le signal du rail de la PLL n'est plus perturbé (voir la courbe verte ci-dessus). En réalité, même le bruit de la section des E/S devient imperceptible ! Cela sonne le glas de la ferrite dans cette conception : l'élément qui réduit significativement le bruit dans cette conception est le condensateur, et non la ferrite. Les résultats confirment qu'il est plus intéressant d'augmenter la capacité que d'ajouter une inductance dans la conception. Cela illustre également le changement de conception requis sur le rail d'E/S : ajoutez quelques petits condensateurs qui ciblent directement le pic de 631 MHz dans le spectre d'impédance du PDN.
Qu'avons-nous appris de cet exercice ?
Les résultats sont mitigés, avec une efficacité tout juste acceptable pour le pôle haute fréquence et une inefficacité totale pour le pôle basse fréquence le plus problématique.
Quatre points sont importants :
Pour résumer, la ferrite ne parvient pas à améliorer la situation à hauteur de nos espérances. Nous pouvons en déduire qu'ajouter des condensateurs soigneusement sélectionnés apporterait les mêmes avantages que la ferrite, sans subir les inconvénients inhérents à cette dernière. En observant la courbe d'impédance de la perle, on constate que la perle n'apporte pratiquement aucun amortissement supplémentaire à basse fréquence, ce qui signifie que le bruit à basse fréquence ne peut pas être atténué. Le bruit à basse fréquence doit alors être traité à l'aide d'un gros condensateur qui affiche une SRF de 2,81 MHz sur les deux rails.
Donc finalement, faut-il utiliser une ferrite pour isoler un PDN ? La réponse à cette question dépend de la gamme de fréquences qui requiert une isolation. De plus, vous devez vérifier que la ferrite ne crée pas de problème de bruit supplémentaire sur le rail isolé. Si vous pensez devoir utiliser une ferrite pour isoler les rails dans votre PDN, commencez par lancer une simulation pour vérifier que la ferrite remplit bien son rôle.
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